Le Circuit Carioca de Rythme et Poésie, le CCRP, est un mouvement totalement indépendant, né d'une initiative civile : une jeunesse qui, par manque de moyens et de structure, a pris la rue comme lieu d'expression artistique. C'est en 2010, à la suite du succès d'un premier événement dans le quartier de Botafogo, que d'autres rencontres culturelles urbaines se sont progressivement répandues à travers la ville. C'est cette année-là que le collectif CCRP s'est formé. Il a permis de mieux organiser ces événements et d'en améliorer la diffusion sur la toile, notamment à travers les réseaux sociaux. Scènes ouvertes et battles de rap sont au cœur des rendez-vous organisés par le collectif.
La place est devenue un lieu de divulgation artistique et de socialisation. Le réseau, aujourd'hui très actif, réunit en moyenne entre 5000 et 8000 jeunes par semaine sur l'ensemble des 8 quartiers que sont Bangu, actuellement suspendu en raison de la présence de milices, Manguinhos le lundi, Botafogo le mardi, Freguesia et Méier le mercredi, Vila Isabel et Recreio le jeudi, et Lapa le samedi. Le phénomène des rodas culturais a pris une ampleur plus grande encore : une soixantaine de lieux différents ont ouvert leurs portes à ces manifestations culturelles à travers l'État de Rio de Janeiro entier, notamment les villes de Macacé, Teresopolis, Petropolis.
Des opportunités professionnelles
Au-delà de leur aspect ludique, ces événements offrent également la possibilité aux participants de se créer un réseau professionnel : il s'agit d'un moment où le musicien rencontre le producteur, où le graphiste rencontre le directeur d'une galerie d'art, en somme, un lieu de réunion de travailleurs indépendants. Le travail du CCRP a permis aussi bien de faire découvrir de jeunes talents inconnus, que de faire évoluer la carrière de certains artistes en manque de moyens et de contacts dans l'industrie musicale.
Un désir de diversité
L'idée de ces événements est d'implanter la culture urbaine, et pas seulement le rap, dans le paysage culturel de Rio de Janeiro. Mais il s'agit aussi d'insérer la culture brésilienne dans cette discipline musicale. Il y a là une volonté de se démarquer du stéréotype du hip-hop nord-américain, où souvent la femme est présentée comme un objet sexuel. Djoser Botelho Braz, producteur culturel, membre et fondateur du CCRP, rappelle que la rime et l'improvisation sont présentes depuis longtemps dans la musique brésilienne, notamment dans la samba, et qu'elles ne sont donc pas réservées aux voisins états-uniens. Cette originalité se construit en ayant recours, par exemple, à des instruments et rythmes issus de la musique traditionnelle nationale.
Relation avec les pouvoirs publics
En 2012, deux ans après la création du CCRP et face à l'incontestable ampleur de ce phénomène urbain, la mairie a décidé d'entamer des discussions avec le collectif. Le maire de Rio de Janeiro, Eduardo Paes, s'est intéressé de plus près à ce qui se passait dans les rues de la ville et a convoqué les membres du CCRP. Ces derniers lui ont présenté leur projet : il a plu au maire, qui a signé le programme de développement de rythme et de poésie carioca ou pacto do rap, décret reconnaissant officiellement le CCRP, stipulant appuis financier et structurel.
« N'importe quelle révolution, aujourd'hui, se fait à travers l'art. Je dis souvent à mes amis qu'un appareil photo est une arme, que le développement de l'imagination est quelque chose que l'on doit travailler tous les jours, parce que c'est grâce à l'art qu'on peut changer notre réalité. » Djoser, membre du CCRP.